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Le point sur... La convention d’Aarhus
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Le 7 juin 2010,

Le droit d’accès à l’information environnementale est au cœur de la « démocratie environnementale », au niveau local comme à l’échelle nationale : sans données sur les rejets, émissions ou déchets générés par la plupart des activités humaines, et notamment les installations industrielles, comment évaluer la qualité de notre environnement ou l’étendue d’une pollution ? Si ces données ne sont pas rendues publiques, la préservation de la santé publique est-elle possible et la participation de chacun à la préservation de l’environnement assurée ?
Le convention d’Aarhus n’est pas le premier texte international ou national évoquant le droit d’accès aux informations environnementales, mais il pose plusieurs principes dont l’application progressive ces dix dernières années a considérablement modifié, pour les 40 pays d’Europe et d’Asie centrale signataires, les processus de décisions en matière environnementale.

« La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés »

Le principe 10 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (1992) contient les fondements de la convention d’Aarhus.
Le texte adopté en 1998 affirme la nécessité de protéger, préserver et améliorer l’état de l’environnement et considère qu’en ce domaine, l’accès à l’information et la participation du public au processus décisionnel « permettent de prendre les meilleures décisions ».
En fond et en soutien de ce principe est rappelé le lien direct établi entre les droits de l’homme et les questions environnementales dans la Déclaration des Nations Unies sur l’environnement de Stockholm (1972).
A chacun étant reconnu le droit de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, mais aussi le devoir de le protéger, il s’agissait, pour les parties présentes à Aarhus, de garantir la mise en place d’outils permettant aux citoyens de faire valoir ce droit et de s’acquitter de ce devoir.

Les trois piliers de la Convention d’Aarhus

L’accès à l’information

La convention d’Aarhus prévoit que les informations sur l’environnement – dont la définition large englobe l’état des éléments de l’environnement, la connaissance des facteurs pouvant affecter celui-ci et l’état de santé de l’homme, sa sécurité et ses conditions de vie – soient mises à disposition du public qui en ferait la demande par les autorités publiques.
S’il s’agit dans un premier temps de rendre obligatoire la réponse aux sollicitations de citoyens, associations ou entreprises et non la diffusion systématique de l’ensemble des informations disponibles, l’accent est mis sur l’amélioration de la collecte et de la mise à jour par les autorités publiques de ces informations, et leur accessibilité. L’article 5.9 de la Convention prévoit notamment la mise en place progressive à l’échelon national d’un registre informatisé et accessible au public de toutes les données relatives à la pollution. Cet article a donné naissance au Protocole sur les registres des rejets et transferts de polluant (PRTR), adopté en 2003 par 36 Etats.
En France, l’arrêté du 31 janvier 2008 relatif au registre et à la déclaration annuelle des émissions polluantes et des déchets a permis de répondre aux exigences du Protocole. La mise à jour du registre, reposant sur une télé-déclaration annuelle des exposants, demeure cependant lacunaire, au moins en ce qui concerne les installations de traitement des déchets [1] .

Il faut enfin préciser que l’accès à l’information doit être garantie par tous les échelons de l’administration publique, mais aussi par toute personne physique ou morale assumant des responsabilités ou fournissant des services publics en rapport avec l’environnement : les exploitants privés d’installations de traitement des eaux ou des déchets en font évidemment partie.

La participation du public au processus décisionnel

L’article 6 de la convention, concernant la participation du public aux décisions relatives à des activités pouvant avoir un effet important sur l’environnement est peut-être la partie la plus inédite du texte.
Les conditions de la participation du public y sont en effet détaillées : information préalable, calendrier de la procédure, publication des données techniques de la future installation et « traduction » dans un langage non technique de ces informations, possibilité de prise de parole ou de contribution écrite pour le public. Les différentes catégories d’installations concernées par ce processus sont en outre énumérées en annexe.
Précision plus importante encore, le texte stipule que la participation du public doit intervenir « lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ». Il propose également une définition large du « public concerné » par la participation au processus décisionnel, y intégrant d’emblée les organisations non gouvernementales œuvrant en faveur de la protection de l’environnement.
En France, l’application de cette disposition s’est traduite par l’élargissement en 2002 des missions de la Commission nationale du débat public (créée en 1995) et sa transformation en autorité administrative indépendante.

L’accès à la justice

Le troisième pilier de la convention a pour objet principal de rendre effectifs les deux premiers, en garantissant à tout citoyen ou organisation la possibilité d’agir en justice si l’accès à l’information ou la participation au processus décisionnel lui était illégitimement refusé.
A nouveau, le texte précise que les organisations non gouvernementales œuvrant pour la protection de l’environnement ont la possibilité de former un recours, laissant toutefois aux Etats le soin de les reconnaître et donc de restreindre cet accès [2] .

Précisons qu’en France, en ce qui concerne l’accès à l’information, la Commission d’accès aux documents administratif (CADA) doit être saisie avant tout recours devant le juge administratif.

L’application et le suivi de la Convention

Une dizaine d’années après son entrée en vigueur au niveau international (le 30 octobre 2001, après sa ratification dans 16 pays), la convention d’Aarhus reste un objet en évolution : les Parties à la convention se sont réunies plusieurs fois, adoptant notamment en 2005 un amendement relatif aux organismes génétiquement modifiés (OGM).
Les Etats doivent par ailleurs soumettre tous les deux ou trois ans un rapport sur la mise en œuvre des dispositions de la convention sur leur territoire.

En France, la traduction de la convention (ratifiée en 2002) dans le cadre juridique national s’est effectuée progressivement, au travers notamment de la loi sur le droit d’accès aux documents administratifs de 1978 et de son décret d’application de 2005 et de la charte de l’environnement de 2004.

Un outil ambitieux de changement, insuffisamment appliqué par les Etats

L’esprit de la Convention d’Aarhus est ambitieux, ses objectifs sont larges mais son champ d’application porte sur des éléments très concrets : le droit à l’accès aux informations environnementales permet aux citoyens de connaître les éléments à partir desquels les services publics prennent leurs décisions et leur impose une transparence à tous les niveaux. Cela devrait être le synonyme d’une bonne gouvernance
Si la mise en œuvre progressive dans les Etats signataires des obligations instaurées par la convention est effective, même si elle ne se traduit pas toujours par une amélioration réelle de la gouvernance publique, il reste regrettable que les mesures non contraignantes, les encouragements à agir, restent lettre morte. La convention stipule par exemple qu’il est « important d’informer les consommateurs sur les produits pour leur permettre de faire des choix écologiques en toute connaissance de cause ». Force est de constater que les données les plus élémentaires relatives à l’impact environnemental des produits ou de leurs emballages sont le plus souvent inexistantes.

Pour en savoir plus :
- Le site (anglophone) de la convention d’Aarhus
- Le texte français de la convention
- Le registre français des émissions polluantes

Contact :
Flore Berlingen


[1Pour l’année 2008 par exemple, seules deux installations de traitement de déchets déclarent des rejets dans l’air de dioxines et furanes, selon le moteur de recherche du registre français des émissions polluantes, alors que l’ensemble des 130 usines d’incinération d’ordures ménagères (130 sur le territoire français) en émet, sans compter les cimenteries qui co-incinèrent des déchets.

[2Pour la France, l’article L142 du Code de l’environnement fait bénéficier de la présomption d’intérêt pour agir les associations agréées de protection de l’environnement, qui peuvent sous certaines conditions se porter partie civile.

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