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Le point sur... La consigne des bouteilles (3e partie)
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Voyage aux pays de la consigne

Le 7 avril 2010,

À l’occasion de cette troisième et dernière partie de notre série sur la consigne, le Cniid a souhaité laisser la parole à des représentants d’ONG issus de pays européens réputés pour la consigne et pour leurs taux de recyclage des ordures ménagères. Notre choix a ainsi porté sur la Wallonie (région belge) et l’Allemagne. Témoignages sur les atouts et les faiblesses des systèmes de consigne respectifs.

Lire ou re-lire la première partie (Histoire d’une disparition programmée)
et la deuxième partie (La consigne des emballages de boisson sous toutes ses formes) de cette série.

La Wallonie

La consigne pour réutilisation existe en Wallonie depuis très longtemps pour les bouteilles en verre. Le laitier passait en effet déjà pendant la guerre déposer puis reprendre les vidanges de lait. Aujourd’hui, chaque marque a son design en matière de forme et de texture de verre de ses bouteilles (bières, vins, eaux, sodas) et les casiers (6-24 bouteilles) sont fort utilisés. Comme dans de nombreux pays, la valeur de la consigne pour réutilisation varie selon la taille de la bouteille.
Un système de consigne pour recyclage des emballages de boissons à usage unique (les canettes par exemple) n’existe pas aujourd’hui, et une mobilisation citoyenne à ce sujet est en cours.
Le recyclage des emballages ménagers ne se fait qu’à partir d’apports volontaires (bulles à verre ou parcs à conteneurs) des citoyens et/ou des collectes sélectives dans certaines communes.

Véronique Paternostre, directrice de la dynamique fédérative et chargée de mission déchets auprès de la Fédération Inter Environnement Wallonie répond aux questions du Cniid.

Du point de vue des consommateurs, comment fonctionne aujourd’hui le système des bouteilles consignées dans la Région wallonne ?

La consigne fonctionne bien pour les bières et les vins. Ces produits étant reconnus et réputés de meilleure qualité en emballage-verre, ils sont systématiquement rapportés. Cependant, les canettes (non consignées) gagnent du terrain pour les pils (bière commune blonde) et certaines préparations à base d’alcool.
Par contre, pour les eaux et les sodas, les bouteilles consignées sont peu utilisées. Elles sont aussi très peu mises en avant par les producteurs et distributeurs (quand elles existent). Pour ces produits, ce sont les bouteilles plastiques qui dominent.

Selon la « loi éco-taxe », tout emballage de boisson est jugé nuisible pour l’environnement dès lors qu’il est jetable. La mise en place d’une telle taxe a-t-elle eu un impact sur la part de marché des boissons en emballages jetables ?

NON. Et voici l’histoire :
La « loi éco-taxe » (2004) instaurait une taxe sur tous les emballages boissons à usage unique : cela revenait à 9,85 centimes d’euro par litre. Cela veut donc dire que les bouteilles consignées ne payaient pas la taxe contrairement aux autres (plastiques...).
En 2005, le gouvernement a essayé pendant quelques mois de la mettre à 14.50 centimes d’euro, mais ils se sont fait tellement huer qu’ils ont fait marche arrière...
Danone et Nestlé ont introduit un recours à la cour d’arbitrage : ils estimaient cette loi injuste car le plastique « est souvent bien recyclé » ! Et comme « il faut embouteiller à la source », le faire en bouteille de verre pour eux reviendrait trop cher en termes de transport (c’est leur argument « écologique »). La cour d’arbitrage a décidé ensuite que le gouvernement devait revoir sa copie.
Le gouvernement, futé (l’« éco-taxe » rapporte des millions d’euros à l’Etat car c’est un « impôt » 300 millions d’euros), a modifié sa loi en disant que toutes les bouteilles seraient taxées, mais que pour les réutilisables (les consignées) la taxe serait de 0 euro, et pour les non réutilisables elle resterait de 9,85 centimes d’euro.
Danone et Nestlé ont à nouveau demandé que cette taxe soit supprimée et la cour d’arbitrage leur a donné raison en suspendant la mesure prise par le gouvernement (taxe à 0 euro)... et le tribunal de première instance a tranché dans le même sens début 2007.
Afin de garder une certaine homogénéité fiscale sur tous les types d’emballages pour boissons, le gouvernement a dès lors instauré, dans une nouvelle proposition de loi, une imposition de 9,86 euros par hectolitre pour les emballages à usage unique et une imposition de 1,41 euro par hectolitre pour les emballages réutilisables. De cette manière, sur leur durée de vie (en considérant qu’un emballage réutilisable est utilisé sept fois, ndlr) avant récupération et recyclage ou destruction, les deux types d’emballages sont soumis au même montant de cotisation d’emballage. Nous en sommes là aujourd’hui.

Réduction ou recyclage des déchets, quelle est la priorité nationale dans les faits ?

La gestion des déchets est régionalisée en Belgique. Chaque région (Bruxelles-capitale, Flandre, Wallonie) définit donc ses plans et programmes d’investissement en matière de traitement des déchets ménagers et prévention.
Même si la prévention est évoquée dans les documents cadres, dans les faits, c’est surtout la gestion par tri-recyclage et élimination (ou valorisation énergétique comme certains souhaitent l’entendre) qui prévalent.
Les Belges produisent encore plus de 500 kg de déchets par habitant et par an, même s’ils sont « champions du tri » : plus de 60 % sont triés et envoyés vers des filières de recyclage (métaux, papiers, cartons, verre, inertes, déchets verts...).
La résistance nous semble se situer à deux niveaux : le lobby des producteurs-distributeurs qui ne veulent rien de contraignant mais sont « prêts à faire plein de choses de façon volontaire » (un brin d’ironie dans ce propos). L’autre élément concerne les gestionnaires des outils d’élimination (décharges, incinérateurs) qui visent large concernant leurs capacités. Dès lors, les incinérateurs doivent être rentabilisés, ce qui limite toute volonté claire de prévention.
Le gros débat à venir concerne les aspects énergétiques liés aux déchets. Avec les objectifs de production d’énergie renouvelable que chaque Etat prévoit ; les déchets deviennent de plus en plus des « combustibles » qui seront déviés de la filière recyclage. Nous pensons en particulier aux déchets de bois et autres déchets organiques... Or, nos sols belges ont besoin de carbone, d’amendements et de structurants.

- le site internet de la Fédération Inter Environnement Wallonie

L’Allemagne

La consigne pour réutilisation est historiquement ancrée dans la gestion des déchets ménagers allemande. Elle s’applique aujourd’hui aux bouteilles en plastique et en verre (bières, eaux, jus et sodas divers). En 2003, les pouvoirs publics ont complété le dispositif par une consigne appliquée aux emballages de boissons en verre, plastiques et métal à usage unique (la consigne pour recyclage). Il s’agit aujourd’hui d’un triple système de gestion des emballages de boissons. Une collecte sélective notamment via des points d’apport volontaire du verre perdu (bouteilles de vin, lait, jus de légumes et de fruits…) destiné au recyclage existe également, ainsi que la collecte sélective des emballages légers comme les briques alimentaires.

Dr. Benjamin Bongardt, responsable politiques environnementales auprès de NABU (Naturschutzbund Deutschland, une structure nationale de protection de l’environnement dotée de 1 500 relais locaux) à répondu aux questions du Cniid (traduction et adapation par le Cniid).

Le décret Emballages allemand a été modifié à plusieurs reprises depuis 1991. Du point de vue du consommateur, comment fonctionne actuellement le système de consigne allemand ?

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Deux types de bouteilles standardisées pour la vente d’eau minérale en Allemagne
A droite : la bouteille verte pour les eaux légèrement pétillantes
A gauche : la bouteille blanche pour les eaux pétillantes
© Cniid

La consigne pour réutilisation repose entièrement sur les acteurs économiques privés. Son organisation fonctionne bien. Les minéraliers, par exemple, se sont regroupés au sein d’une coopérative qui gère le parc de bouteilles. Lorsqu’une bouteille ne peut plus être réutilisée, alors elle est mise au recyclage. La logistique fonctionne bien grâce à l’utilisation de bouteilles standardisées (la Perlenflasche). Un nombre croissant de fabricants de boissons s’orientent cependant vers la mise sur le marché de bouteilles réutilisables individuelles, dont la logistique est considérablement plus laborieuse et, en raison des transports, plus nocive pour l’environnement (que le circuit avec bouteille standardisée, ndlr). De plus, le nombre de circulations de ces bouteilles individuelles est souvent inférieur.

La consigne pour recyclage a été mise en place en 2003 car le quota minimal réglementaire de 72 % de bouteilles réutilisables n’était plus respecté. Il ne marche réellement que depuis 2005, car depuis, chaque bouteille à usage unique peut être remise à n’importe quel point de reprise. Ce système est régulé par un office qui ajuste les valeurs de consigne avec les différents distributeurs et conditionneurs. A l’origine, la classe politique partait du principe que la valeur de la consigne (25 centimes d’euro) dissuaderait le consommateur et relancerait l’achat de bouteilles réutilisables. La démarche n’a été concluante que pour les bières, car les Allemands n’aiment pas la bière en bouteille en plastique. Toutes les autres boissons se vendent depuis de plus en plus en bouteilles à usage unique.

Le quota de réutilisation en Allemagne a baissé de façon continue au cours des dernières années. À qui la faute : le consommateur ou le commerce ?

On peut dire que la consigne a échoué dans son objectif d’orienter le choix des consommateurs. Cela est dû principalement aux magasins discounts, qui misent quand même exclusivement sur les offres bon marché et exclusivement sur les bouteilles à usage unique. Toutes les autres enseignes de grande distribution les ont maintenant suivis et développent leur offre à usage unique. Et ce, parce que les embouteilleurs eux aussi misent de plus en plus sur l’usage unique. Les consommateurs se sont depuis longtemps perdus dans ces changements.
Environ la moitié des Allemands pense toujours que chaque bouteille consignée est une bouteille réutilisable et achète donc des récipients à usage unique, nocifs pour l’environnement, en toute bonne conscience.
Une obligation de marquage devrait prochainement être inscrite dans la loi, toutefois la Commission européenne semble s’y opposer pour des raisons concurrentielles non compréhensibles. Dans ce contexte, on peut se demander si l’Europe souhaite vraiment préserver les ressources naturelles ou si elle préfère voir de l’eau française dans des magasins du bord de la Mer Baltique.

Protection du climat et réutilisation se conjuguent-elles bien ?
Les systèmes de réutilisation sont un exemple éclatant de protection de l’environnement. Ils permettent d’éviter des déchets et d’économiser des matières premières. En outre, comparativement, très peu d’énergie est consommée pour les systèmes de réutilisation. Par conséquent, le réutilisable va de pair avec la protection du climat. Seule une distance de transport longue pour les boissons casse le bilan climatique des systèmes de réutilisation. Il faut par conséquent soit boire l’eau du robinet, soit recourir à des bouteilles réutilisables de la région. Comme l’impact de la consigne a été trop faible en Allemagne, notre association NABU propose maintenant une taxation des emballages de boisson d’autant plus élevée que la quantité de matériel utilisée et sa nocivité pour le climat sont importantes.

Photo : deux types de bouteilles standardisées pour la vente d’eau minérale en Allemagne
A droite : la bouteille verte pour les eaux légèrement pétillantes
A gauche : la bouteille blanche pour les eaux pétillantes
© Cniid

- le site internet de NABU
Pour les germanophones : NABU-MEHRWEG-Guide

Consigne - Le mot de la fin

Tout n’est pas vert au pays de la consigne. Si ce dispositif rencontre des difficultés opérationnelles inhérentes à chaque système, il bute aujourd’hui surtout sur un concurrent de taille : la bouteille plastique à usage unique. Elle est emblématique d’une logique où le consommateur achète et jette, rapidement et facilement, ce que lui proposent les producteurs et les distributeurs. En 2008, les plastiques ont ainsi représenté 61 % des contributions aux éco-organismes des emballages ménagers français alors que celles du verre se chiffraient à 4 % [1].

Enfin, l’intérêt de la consigne pour réutilisation en termes d’économies de matière et d’évitement des déchets est indéniable mais rares sont les producteurs de produits emballés qui la préfèrent à l’adhésion à l’éco-organisme chargé d’organiser le tri et le recyclage (Eco-Emballages). Face à l’immobilisme actuel des pouvoirs publics, faut-il attendre qu’une grande marque ou enseigne de grande distribution redécouvre l’intérêt environnemental de la consigne ?


[1ADEME, emballages ménagers 2008, p. 4

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