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Gestion durable des déchets : des preuves par l’exemple
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(Article du Cniid paru sur le site Dur’Alpes en mai 2009)

Gérer nos déchets… Les réduire à la source… Trier pour mieux valoriser… La gestion durable des déchets est l’affaire de tous. Chaque déchet devrait non seulement être perçu comme une source de pollution à réduire, mais également comme une ressource potentielle à exploiter. Les enjeux sont majeurs au regard d’une limitation future des ressources en matières premières et en énergie et de l’impact environnemental et sanitaire de cette gestion.
Ce deuxième article d’Hélène Bourges - chargée de campagne Alternatives au Cniid - consacré à la gestion des déchets ménagers, s’attache à présenter des politiques mises en œuvre par des collectivités ou par des acteurs de l’économie sociale et solidaire au niveau local, et ainsi à démontrer qu’il est possible d’instaurer une gestion durable de proximité de tout ou partie des déchets ménagers. Des expériences concernant divers flux de déchets seront développées avant de finir par l’exemple flamand qui apporte une réponse intégrée de la prévention des déchets jusqu’au traitement final des déchets résiduels.

Que recouvre la gestion durable des déchets ?

Elle intègre la problématique des déchets depuis l’amont, au moment où un produit peut potentiellement devenir un déchet, jusqu’à l’aval, soit le traitement du déchet proprement dit. Elle propose donc des outils qui permettent de jeter moins, de « jeter mieux », de diminuer l’impact écologique du traitement des déchets tout en répondant à un impératif de viabilité économique et en faisant appel à des circuits d’économie sociale et solidaires. Elle respecte ainsi les trois piliers fondamentaux du développement durable (environnement, économie et social).
Une politique de gestion durable des déchets doit également répondre à deux principes, notamment mis en avant par la réglementation européenne, que sont les principes de proximité et de responsabilité. Les différents échelons territoriaux intervenant dans la gestion des déchets doivent faire en sorte, dans la mesure du possible, de traiter les déchets de leur territoire au plus près de leur lieu de production et de ne pas s’en décharger sur les voisins. Les professionnels producteurs de biens, de leur côté, doivent absolument assumer financièrement, voire opérationnellement, la gestion des déchets issus de leurs produits, comme par exemple les déchets d’équipement électrique et électronique (DEEE), ou les emballages (responsabilité élargie des producteurs (REP)). Les collectivités ne peuvent assurer à elles seules la gestion de ces déchets. Le principe de REP est fondamental dans la gestion durable des déchets.

La gestion de proximité des déchets organiques : une diversité d’outils pour une diversité de territoires.

Environ un tiers de notre poubelle est composée de déchets organiques (biomasse) qui peuvent être valorisés en compost. Amendement naturel, il améliore la qualité des sols agricoles et permet notamment de diminuer le recours aux engrais issus de la pétrochimie. Pourtant, ces déchets finissent en très grande majorité dans une décharge ou un incinérateur : ils deviennent alors des vecteurs importants de pollution. Il est donc essentiel de séparer ces déchets à la source et de les composter au plus près de leur lieu de production. C’est ainsi 30 % du poids de la poubelle qui sera gérer durablement.
Les collectivités disposent d’un panel d’outils pour y parvenir. En voici quelques uns :

Chambéry Métropole a su obtenir des résultats intéressants grâce à la mise en place, depuis 2003, du compostage domestique. Il ne suffit pas de distribuer les composteurs aux particuliers sans les informer et les former. Dans cette agglomération, le parti pris a été d’inciter les habitants à composter de toutes les manières possibles. La collectivité a créé un réseau d’une vingtaine de guides composteurs, citoyens formés à la théorie et à la pratique du compostage, chargés d’aider les habitants de leur quartier et de les informer sur la pratique du compostage ainsi que de participer à des stands d’informations sur le sujet. Des réunions publiques d’information sont organisées pour faire connaître cette pratique. La collectivité invite également les habitants à mettre en œuvre le compostage collectif en pied d’immeuble en indiquant la démarche à suivre, notamment auprès du conseil syndical et de la co-propriété. Le lombricompostage est aussi mis en avant comme une solution pour les personnes vivant en appartement. C’est en portant continuellement cette politique et en maintenant une dynamique autour du compostage que Chambéry Métropole a pu obtenir de bons résultats : aujourd’hui près de 30 % des habitants compostent leurs déchets organiques.

A Annecy, la communauté d’agglomération a choisi de faire la promotion du lombricompostage, moins traditionnel que le compostage en tas ou en bac réalisé au jardin. Cette technique permet aux personnes habitant en immeuble de gérer leurs déchets organiques à domicile : les vers s’occupent de digérer les déchets disposés dans le lombricomposteur et les transforment rapidement en compost. L’agglomération d’Annecy va proposer 200 lombricomposteurs à des familles volontaires ; des formations pour les participants sont prévues. Un ambassadeur du tri a été spécialement formé à cette pratique. Cette expérience, si elle fonctionne, pourra éventuellement être généralisée, ce qui permettrait de faire diminuer le tonnage des déchets collectés. La communauté d’agglomération du Havre et le SICTOM Pézenas-Agde se sont déjà lancés dans cette pratique.

Le compostage peut aussi être réalisé de manière collective, tant en milieu rural qu’en milieu urbain. A Saint-Philibert de Bouaine en Vendée, une plate-forme collective a été installée au cœur du village et accueille les habitants qui apportent leurs déchets organiques. Un maître composteur rémunéré par la collectivité contrôle les différentes étapes du processus de compostage. Une fois le compost récolté, il est distribué aux habitants participants, à hauteur de la quantité de déchets qu’ils ont apportés. Le compost peut également être donné aux agriculteurs qui en font la demande ou à la collectivité pour l’entretien des espaces verts. Il existe trois plateformes collectives dans cette région et une quatrième est en projet. Il est intéressant d’en développer plusieurs à proximité afin de mutualiser le matériel nécessaire au broyage des déchets verts et au retournement des tas et ainsi de réaliser des économies.

A Nantes, des pavillons de compostage collectif ont été installés par l’association Compostri. Aux pieds des immeubles, ils accueillent les déchets organiques des habitants volontaires. Les urbains ne sont donc plus condamnés à nourrir l’incinérateur ou la décharge avec leur déchets de cuisine mais disposent, à domicile, d’une alternative durable. Ces installations, ouvertes une ou deux matinées par semaine afin de permettre au bénévole de contrôler les déchets entrants et d’informer les habitants, sont également créatrices de lien social et se révèlent être un support pédagogique intéressant.

Ces différentes solutions sont des moyens simples et peu coûteux pour gérer durablement les déchets organiques des ménages. Cette gestion de proximité limite les impacts liés au transport et les dépenses liées à la collecte.

Réutiliser plutôt que jeter.

Donner une seconde vie aux déchets par la réutilisation et le recyclage, c’est le pari réussi par la Communauté Emmaüs des Essarts en Vendée. Cette structure s’est installée à côté de la déchetterie et isole les objets et matériaux qui peuvent être réparés ou recyclés de la benne dite « tout-venant » (on y retrouve habituellement matelas, meubles, jouets, etc.). Le principe est simple : les membres de la communauté Emmaüs récupèrent ces objets, les réparent lorsque cela est possible puis les revendent dans une boutique dédiée. Si la réparation n’est pas envisageable, les objets sont démantelés puis les différents matériaux triés et envoyés vers une filière de recyclage. Cela a permis, depuis que la gestion de la déchetterie est revenue à la collectivité, de diminuer de 40 % le tonnage des déchets de la benne « tout venant » destinée à l’enfouissement. Ces initiatives sont encore malheureusement peu développées en France. Les collectivités, afin de diminuer les quantités enfouies et incinérées, ont tout intérêt à identifier les structures de réparation-récupération existantes sur le territoire et à travailler en coopération avec elles. Il est important de laisser la place aux structures de l’économie sociale et solidaire, qui en plus de rendre un service « environnemental » favorisent l’emploi local des personnes en difficulté. En outre, si les tonnages enfouis et incinérés diminuent, le coût de traitement va diminuer en parallèle (la taxe générale sur les activités polluantes dépend du tonnage entrant dans ces installations). La marge de manœuvre est encore grande. D’après le responsable de l’éco-cyclerie des Essarts, encore 70 à 80 % des objets restants dans la benne tout venant après le passage d’Emmaüs pourraient être recyclés.

Inciter à jeter moins et à trier plus avec la redevance incitative.

La redevance incitative permet de « récompenser » l’effort de tri du citoyen. A la différence de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), calculée sur la base de la surface de l’habitation, la redevance incitative comporte une part variable, fonction de la quantité de déchets résiduels, c’est-à-dire non triés, qui est présentée à la collecte. Ce système de tarification incite également à composter les déchets à la maison afin de diminuer encore la masse de déchets résiduels. Mise en place depuis 1999 dans la communauté de communes de la Porte d’Alsace, la redevance incitative a permis de réduire fortement le poids de déchets destinés à l’incinération et à l’enfouissement et d’augmenter celui des déchets triés. Le volume des déchets résiduels est ainsi passée de 400 kg/an/habitant en 1999 à 94 kg/an/hab en 2008. Elle a été un vecteur du développement du compostage domestique et de l’adhésion de la population aux gestes de prévention des déchets (ne plus utiliser de sacs en plastique, acheter les quantités dont ont à besoin seulement, favoriser les grands emballages familiaux etc.). Encore assez peu utilisé en France, mais en cours de développement, ce système est la règle commune en Irlande et en Suède par exemple. Le Cniid avait fait de l’instauration de la tarification une de ses demandes phares au Grenelle de l’Environnement. Le projet de loi actuel demande sa mise en place dans les collectivités d’ici 5 à 10 ans (dépendant du type d’habitat).

Développer les collectes sélectives pour mieux valoriser les déchets.

Cap l’Orient, communauté d’agglomération de la ville de Lorient en Bretagne, a instauré depuis 2003 la collecte sélective des biodéchets en porte à porte. A force de communication et de suivi, la participation des habitants est aujourd’hui au rendez-vous : 37 kg de déchets organiques sont collectés par an et par habitant, chiffre qui peut encore augmenter. Ces déchets sont ensuite compostés sur une plateforme centralisée. Le compost, qui répond aux critères de l’agriculture biologique, est acheté par les agriculteurs locaux. Les biodéchets collectés sont de bonne qualité, ils contiennent moins de 5 % de refus, selon les responsables des déchets à Cap l’Orient. Ceci ne serait pas possible si les déchets étaient traités par tri-mécano biologique sans collecte sélective à la source. En effet, ces usines ne parviennent pas à produire un compost répondant à la norme autorisant sa vente et son usage agricole. Développer la collecte sélective des biodéchets en milieu urbain est un moyen d’assurer une valorisation durable et écologique de ces déchets. La quantité de déchets destinés à l’incinération et à la décharge a diminué significativement, passant de 75 à 55 % depuis la mise en place de cette collecte. Cette baisse est supérieure à l’objectif récemment fixé par le Grenelle de diminuer de 15 % le volume de déchets incinérés et mis en décharge d’ici 2012.
Dans le Sud-Ouest de l’Angleterre, trois districts appartenant au syndicat de Somerset ont développé les collectes sélectives des recyclables, des vêtements et chaussures, des déchets de cuisine et des déchets verts. Le syndicat a mis en place une politique volontariste de tri (« Sort it ! ») avec un objectif de 70 % des déchets collectés sélectivement. Aujourd’hui 50 % des déchets ménagers collectés sont recyclés ou compostés, contre moins de 30 % en France.

Une politique exemplaire : la région flamande en Belgique.

Toujours citée en exemple, la région Flandre en Belgique est la région européenne qui atteint les meilleurs taux de valorisation matière. En effet, 70 % des déchets municipaux sont réutilisés ou recyclés ou compostés. Des politiques de prévention sont menées par les collectivités et financées par l’office flamand de gestion des déchets. Entre autres, le compostage domestique est très développé et des formations sont assurées pour les habitants de façon hebdomadaire sur une plateforme de démonstration située à côté des déchetteries. Ces dernières proposent d’ailleurs de nombreuses catégories de tri pour le recyclage, allant des CD usagers, aux pots de fleurs en plastiques, catégories inexistantes en France. L’accès à la déchetterie pour déposer des déchets à recycler est gratuit mais il est payant pour déposer les déchets qui seront incinérés ou enfouis. La réutilisation et le réemploi sont très fortement encouragés par les collectivités qui travaillent main dans la main avec les structures de l’économie sociale et solidaire. 6,5 kg par habitant et par an sont collectés en vue d’une réutilisation.

Le taux de collecte sélective est très élevé, notamment grâce à une tarification incitative, et permet d’obtenir une grande quantité de matériaux triés de bonne qualité en vue du recyclage et du compostage. L’objectif fixé par l’office flamand de gestion des déchets est de collecter sélectivement 75 % des déchets ménagers en 2015. En outre, le système de taxe sur la mise en décharge est plus sévère qu’en France (75 euros/tonne entrante contre 10-15 euros/tonne entrante en France) ce qui oriente les déchets préférentiellement vers le recyclage. Certains flux de déchets font l’objet d’interdiction de mise en décharge ou d’incinération comme les biodéchets par exemple.
La région Flandre a su mettre en place une politique agissant de l’amont à l’aval avec des outils cohérents respectant une hiérarchie dans la gestion des déchets en favorisant d’abord la prévention, puis la réutilisation, puis le recyclage et le compostage, et enfin l’incinération et la mise en décharge.

Les bonne pratiques existent et sont menées avec succès en France et chez nos voisins européens. Les décideurs en charge des déchets doivent s’informer sur ces expériences et s’en inspirer afin de mettre en place une gestion durable des déchets, sans oublier la prévention. Le Cniid a organisé une première formation à destination des élus en 2008 sur la gestion durable avec des interventions des différentes parties prenantes ; la formation sera renouvelée en octobre 2009. Si les Flamands obtiennent de tels résultats, les collectivités françaises peuvent s’en approcher en choisissant les outils adaptés à leur territoire. Soulignons que la première pierre d’une telle démarche demeure la volonté politique…

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